Michèle Waquant, artiste
Décembre 2006, lycée Romain Rolland de Goussainville
L’observatoire est une installation multi-media qui a été conçue en 2003 lors d’une résidence à Passerelle, centre d’art contemporain associatif situé à Brest. Cette installation a été montrée aussi à Paris sous une forme plus restreinte.
À Brest, dans une très grande salle se trouvaient :
• un poste d’observation en bois de trois mètres cinquante de côté et de trois mètres de hauteur sur la façade duquel était projetée une vidéo très grande dans un format 4:3, qui se prolongeait sur le mur derrière. L’architecture de l’observatoire reprenait celle qu’on trouve dans les réserves ornithologiques. On y accédait par un petit escalier et six personnes pouvaient s’y asseoir sur des bancs pour regarder par des fentes toute la salle.
• Aux points cardinaux, trois téléviseurs suspendus et NORD, posé par terre devant l’observatoire.
• La projection vidéo reprise en plus petite dimension et en format 16:9 sur un mur latéral,
• deux dessins de deux mètres sur trois mètres en retrait, l’un représentant un jeune garcon brandissant sa panoplie de chevalier sous un ciel peuplé de dragons et l’autre, une petite fille dans l’eau embrassant un rocher sous un ciel peuplé de chimères.
• Deux bandes sonores, une dans le poste d’observation et l’autre dans la salle.
NORD : La chouette Harfang des neiges.
J’ai moi-même observé la chouette Harfang. C’est un oiseau magnifique, sauf que celle-ci est en cage: un bébé Harfang des neiges. Elle est en cage et c’est une image fixe, une photo, sur laquelle j’ai ajouté un effet vidéo pour obtenir une image de neige, comme dans les boules-souvenir. Alors elle devient une image mémorielle, une image chargée d’un lourd passé et qui en même temps s’est figée quelque part. Le mouvement ininterrompu de la neige donne l’illusion par moments que “ça bouge”. Des gens qui venaient voir l’exposition m’ont dit « Ah! elle a cligné de l’œil »…non, elle n’a pas cligné de l’œil ; c’est la neige qui produit cette sensation.
Voilà l’un des éléments de l’installation réalisée à Brest, imposante car j’avais fait construire pour l’occasion une architecture, un lieu d’observation, comme ceux que l’on voit dans les réserves naturelles à Marquenterre ou en Camargue, et dans lesquelles on reste caché pour observer les oiseaux sans être vu. C’est paradoxal : si l’on veut voir, il faut se cacher. Et c’est une des grandes constances dans l’art: l’artiste est un voyeur. En même temps l’ornithologue est aussi un voyeur/artiste quelque part. C’est un processus analogue, il doit agir comme le voyeur pour arriver à “capter”; saisir sans toucher.
OUEST:
Dans L’observatoire, l’hiver est suggéré par des oiseaux filmés en Bretagne, et cela désigne l’ouest. J’ai filmé les rassemblements d’oiseaux là-bas, l’hiver. Je m’étais donné pour contrainte de ne pas filmer sur pied. C’est assez difficile compte tenu du fait qu’on ne doit pas bouger et, lorsque l’on filme des oiseaux, des sujets petits, loin et qui se déplacent beaucoup, c’est très contraignant d’autant plus qu’il faisait froid. On a coutume de se reférer aux images de la télé et du cinéma, – c’est à dire des images où l’on ne sent jamais le corps de celui ou de celle qui filme -, comme si c’était le point de vue de Dieu caché quelque part qui regarde les choses évoluer. Je ne voulais pas ça. Au contraire, je voulais qu’on sente la présence de la personne qui filme, une subjectivité, parce que quand on fait de la vidéo, à un moment ou à un autre, on est confronté à ce que la télé nous offre comme images. Les gens jugent par rapport à ce modèle « …mais c’est pas comme à la télé, c’est pas bien, c’est gauche, etc. » Que dit-on lorsqu’on est artiste ? Quand on est artiste, on parle de soi finalement, on cherche à dire quelque chose de personnel, quelque chose qui passe à travers soi. Même s’il ne s’agit pas d’une réflexion narcissique, même s’il s’agit de regarder le monde, c’est toujours « je » qui regarde. Tandis qu’à la télé, – et c’est cela le grand danger de la télévision -, c’est « on » qui regarde. « On », en quelque sorte la vérité; et si tout le monde partage la même idée sur les choses, ce « on » devient la pensée dominante, l’objectivité. L’artiste lutte beaucoup contre cette adhésion qui est pernicieuse parce qu’elle empêche les gens de penser par eux-mêmes. C’est dans cette perspective que j’ai fait OUEST. Et ce n’est pas facile de ne pas bouger quand on filme des oiseaux à grande distance ! Et, en utilisant le zoom numérique que vous connaissez tous, car tout le monde a un camescope maintenant, je me suis rendu compte que la technologie qui permet de rapprocher des choses, les déréalise. Plus elle en rapproche l’image, plus ce qu’on observe devient indistinct, pixellisé, flou, insaisissable. À un moment donné on ne sait plus ce que l’on regarde, on se sait plus vraiment ce qui est devant soi. C’est ce genre de constat qui m’a permis de découvrir un peu mieux ce qu’est le regard. Parce le regard nous semble d’abord quelque chose d’objectif, parce que le regard paraît en connection avec le véridique, parce que le regard est souvent associé à une certitute. En fait en faisant cette constatation, en analysant ce qui se passait, je suis devenue critique face au regard car il nous renvoie à une fragilité, c’est cette fragilité dont je parle et que j’ai d’abord ressentie en filmant sans pied.
SUD:
Au printemps, je suis allée en Camargue filmer SUD. OUEST parlait des rassemblements d’oiseaux; en hiver le climat oblige les oiseaux à se regrouper pour se protéger des prédateurs et pour chercher leur nourriture. A cette saison, ils sont vulnérables.
Au printemps, ce qui prime ce sont les territories: j’ai enregistré comment les forces de domination et de soumission dans les batailles pour le territoire et la nidification occupent les mâles et les femelles. C’était l’angle de mes observations ce qui donne une vidéo très différente de NORD; la durée des plans y est plus longue; en outre, un cygne mâle extrêmement agressif a vidé tout un étang où se trouvaient quinze cygnes. Cela lui a demandé une heure et demie. Bien que je n’ai pas filmé toute l’heure et demie, je suis restée une heure et demie à l’observer, à voir comment se passe ce jeu d’intimidation, de prise de possession de l’espace, d’avancée continuelle et carrément d’agression. Voilà pour le SUD.
EST:
Quant à l’EST, c’est l’ailleurs: l’Ethiopie. Je suis allée là-bas en l’an 2000. J’ai filmé les oiseaux en Ethiopie et je me suis aperçue que dans les pays où l’on ne pourchasse pas les oiseaux et où la nature est plus prégnante que dans nos pays, la distance critique n’est pas la même. On peut approcher de beaucoup plus près les oiseaux. C’est assez étonnant. Dans la partie éthiopienne, les oiseaux sont des oiseaux que l’on ne connaît pas ici, c’est ce qui m’a amenée à positionner les quatre téléviseurs aux points cardinaux dans l’installation, et c’est dans ces directions qu’on pouvait les observer quand on était dans l’observatoire.
PROJECTION:
Sur la façade avant de l’observatoire, j’ai projeté des images d’avion et des images du Marché aux Puces de Montreuil. J’habite à Bagnolet juste à côté des “puces”. Et je m’étais aperçue qu’après la fermeture du marché, des gens vont prélever sur les lieux les choses qui y ont été abandonnées, les restes; ils sont à la recherche de trésors. Un peu comme les oiseaux sur une grève cherchent à manger parmi les algues et les déchets. Ce sont les mêmes manières de faire. Sur l’observatoire étaient projetées des images urbaines et le montage obéissait à la logique de la lumière solaire le jour et artificielle la nuit. Le monde des humains en relation avec cet état de nature. Il y a toujours le ciel et des avions, des pochettes plastique, des oiseaux et des gens dans les puces. J’ai privilégié des situations presque ludiques, par exemple, en ce qui concerne les avions, ce sont des avions de chasse ou militaires qui font des figures acrobatiques. J’ai donc essayé de décaler les images parce que je trouve qu’en ce moment l’espace aérien – qui est l’espace de notre imaginaire -, est dominé par la pensée utilitaire, qu’elle soit militaire, économique ou commerciale. Je trouve que nous les artistes avons la responsabilité de préserver cet espace d’imaginaire dont chacun a besoin. Quand j’étais enfant, regarder les nuages, me procurait de grands moments de bonheur. Je ne veux pas qu’on réduise le ciel à un ensemble de fonctionnalités. Je veux pouvoir maintenir l’imaginaire dans un rapport fécond à la pensée. Ce n’est pas faire abstraction de la réalité mais y choisir des éléments pour les articuler de telle sorte qu’ils échappent à cette pensée fonctionnaliste. Une pochette plastique qui tourne dans le vent, tout à coup ce n’est plus un déchet qui nous pollue l’atmosphère, elle se transforme en quelque chose d’onirique, qui permet de considerer les choses autrement. C’est dans cet esprit qu’a été conçue la projection.
SONS:
Dans la sale, on entend une bande sonore composée de cris de grenouilles, d’oiseaux, de bruits de vagues. Par moments, le son du ressac, son martèlement sur les rochers, est presque aussi violent qu’une détonation.
Et, faisant contrepoint, à l’intérieur de l’observatoire lui-même, on entendait des litanies de mots tendres dits par plusieurs voix féminines et masculines. Cet espace de l’observatoire équivalait métaphoriquement au nid, à une envelope de protection, on s’y trouvait dans l’intime, bercé de chaleur humaine et de tendresse dont on a toujours besoin sans oser l’exprimer. Voilà ce que j’ai mis en scène.
DISCUSSION:
Un homme dans la salle : Pourquoi avez-vous mis cet oiseau en cage ?
MW : Je ne l’y ai pas mis, il était là. Cet oiseau était en cage.
Un homme dans la salle : Je suis allé cet été dans un parc naturel et effectivement la chouette des neiges ne se trouve pas ailleurs qu’à l’ouest. J’en ai rapporté des plumes, c’est tout ce que je peux m’offrir. Effectivement ils sont en cage.
MW : Mais ce n’est pas pour rien non plus que je l’avais intégré dans un téléviseur ; un téléviseur c’est aussi une cage.
Un homme dans la salle : Deux cages ?
MW : Quand je dis qu’un téléviseur est une cage, je signifie qu’on prétend nous y montrer ce qu’est le monde. Cela nous montre certes une certaine manière de voir le monde mais, en nous laissant supposer qu’il s’agit du monde tel qu’il est dans toute sa réalité, on nous manipule. Enfin quand il s’agit de la télévision, cela nous conduit à penser d’une manière unique et il faut vraiment réagir et se faire violence pour ne pas être toujours dans l’adhésion, pour ne pas être toujours en train de croire tout ce qu’on nous dit. Essayer de voir que cela n’est pas tout à fait la vraie réalité, ça peut être le début d’autre chose.
M. Bontemps, proviseur du lycée Romain Rolland: En quoi est-ce une œuvre ?
MW : l’image de la chouette est un fragment d’œuvre.
M. Bontemps : Oui, euh, un fragment d’œuvre ? Parce qu’on a d’un côté une photo et de l’autre côté une sorte de ronronnement* ?
* allusion à la bande sonore qui est une litanie de mots tendres
MW : Si on ne prête pas attention, effectivement cela ressemble à un ronronnement, mais c’est déjà quelque chose un ronronnement. J’adore quand les gens ronronnent.
M. Bontemps : Mais comment …. Qu’est ce qui vous fait dire qu’une photo sur un ronronnement c’est une œuvre artistique ?
MW : Je ne dis pas. Je le fais. Je suis artiste et je fais ça.
M. Bontemps : Là on est dans l’œuf et la poule. En fait, c’est une œuvre parce que vous êtes artiste ou vous êtes artiste parce que vous faites une œuvre artistique ?
MW : Un artiste c’est quelqu’un qui a toujours, toujours à rendre publique sa pensée et c’est le public qui juge. Et s’il (elle) poursuit, s’il (elle) continue, il (elle) finit par pouvoir dire qu’il (elle) est un artiste ou une artiste. C’est sa pensée, il (elle) la met sur la place publique en toute humilité ; qu’est ce qu’on peut faire d’autre ? Et puis il (elle) est jugé (e). Mais là vous n’avez qu’un seul élément pour juger; si cela ne fait jamais aucun sens, au bout d’un moment ça s’épuise. Mais si d’une action à une autre action, dans la durée, dans le temps, ça prend du sens, quelque chose se construit. Et on peut dire qu’il y a une pratique artistique, on peut dire qu’il existe des œuvres. Une œuvre bien évidemment, on voudrait toujours qu’elle soit un chef-d’œuvre, mais une œuvre peut être une toute petite chose. Ça peut être un mouvement de danse, cela peut être une toute petite chose qui fait un interstice dans la vie fonctionnaliste, quelque chose qui questionne, qui n’a pas forcément la réponse. On peut effectivement se demander ce que ça fait là comme ça, une image d’oiseau…
Une femme dans la salle : Pourquoi avez-vous choisi cette image, enfin ce fragment d’œuvre à nous représenter?
MW : Je suis d’origine québécoise, j’ai dit que c’était une image de mémoire. Je l’ai appelée NORD. C’est une image emblématique du Québec. C’est l’oiseau qui représente le Québec, une chouette, la chouette Harfang. Et pour moi c’est une image très, très synthétique. Si l’on veut, elle dit le nord parce que c’est un oiseau qui n’existe pas dans le sud. Elle dit une certaine manière d’être au monde parce qu’il fait froid, la neige vous en donne un indice, effectivement dans le nord il y a forcément un moment ou un autre où il y a de la neige. C’est une image de mémoire mais c’est une image fixe et en même temps il y a cette neige qui n’en finit pas, qui continue toujours. Il y a un poète qui disait : « ha! Que la neige a neigé ». Que la neige a neigé, voilà la neige, “elle” neige. J’ai choisi quelque chose d’extrêmement simple qui contenait plusieurs choses à la fois.
Une femme dans la salle : Vous avez un message à transmettre derrière cette oeuvre?
MW : Le message ? Moi j’en ai plein évidemment. Quand on propose une représentation, on propose un voyage et les gens font ou non le voyage. Peut-être peuvent-ils aussi refuser le voyage mais c’est déjà prendre position. Ils disent : « non ce voyage n’est pas pour moi », mais au moins ils prennent position. Moi je fais une proposition; après les gens la reçoivent, la reçoivent différemment, la refusent, l’acceptent, font un voyage avec ou pas, ça m’échappe et en même temps, c’est ça toute la vie des oeuvres. Par exemple, je sais que certains mots tendres font beaucoup rigoler et ça me plait bien que ça fasse rigoler ; ce n’est pas forcément mon intention d’accumuler tous ces mots pour faire rigoler les gens. Mais si quelqu’un rigole, c’est qu’il s’est emparé de la chose et la vit à sa manière. Et c’est déjà un plus par rapport à tout ce qu’on nous impose. Quand je dis œuvre, je n’oserais pas aller très loin dans la notion d’œuvre parce que ça fait lourd. Moi je travaille avec de la vidéo, je travaille donc par rapport à quelque chose qui est la télévision; forcément, ce sont les mêmes outils. La télévision s’adresse au plus grand nombre, tandis que moi je sais bien que je m’adresse à très peu de gens et souvent en plus en les bousculant. Ils se disent « …mais qu’est ce qu’elle nous veut celle-là ? Qu’est qu’elle fait, mais qu’est ce qu’elle cherche ? ». Et justement ce “qu’est-ce qu’elle fait?”, par rapport à tout ce qu’on est prêt à accepter de la télé, c’est le moustique, c’est une petite piqûre, une petite piqûre de moustique, et j’en connais un chapitre sur les piqûres de moustiques: on en a beaucoup au Québec !
Une personne du public : Est-ce que c’est l’animal qui est en cage ou est-ce que c’est nous ?
Est-ce que ce n’est pas l’animal qui est libre, qui est là ?
MW : S’il est vraiment derrière le grillage ? Mais ça n’empêche que nous aussi nous sommes peut-être en cage, ça fait deux cages face à face. Une est un peu plus grande que l’autre mais nous sommres plus nombreux à la partager.
La même personne : On ne voit pas derrière l’animal s’il y a peut-être la liberté.
MW : Le grillage nous sépare de lui, je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, ça me fascine toujours quand je fais de la vidéo ; quand on dit qu’on fait de la vidéo, le grand idéal des gens qui font de la télé, c’est « Aller sur le terrain et rapporter les images au plus près » mais on regarde à travers un objectif et en plus, on cadre. Lorsqu’on cadre, on laisse plein de choses en dehors du cadre. Finalement, du réel, qu’est-ce qu’on attrape ? Quelque chose qu’on a cherché ? Quelque chose qu’on veut montrer ? Et tout le reste ? On le laisse de côté. Je me suis toujours dit que la vidéo, la caméra, c’était quelque chose qui protège la personne qui filme du réel. Et en même temps, cela me rend triste parce qu’on ne va jamais dans le monde comme ça, sans arme. On est toujours armé de quelque chose. D’une caméra, d’un appareil photo, d’un appareil d’enregistrement du son. On a toujours quelque chose qui nous sépare, qui nous tient à distance.
Le Monsieur de la salle (M.) : C’est vrai, même le pinceau et la palette sont un filtre au regard de chacun, on passe par le regard de l’artiste forcément, vous ne pouvez pas l’ôter, il n’y a que le Duc de Bourgogne mangé par les loups qui a eu la réalité des choses sans filtre. Dans la vraie nature, aujourd’hui on ne peut pas s’offrir cela hélas.
On ne peut pas se l’offrir sans aller dans des endroits préservés, préparés, organisés, les zoos, c’est sûr. Le monde animal, le monde sauvage et le monde libre s’est atrophié au profit de l’homme. Et plus l’homme prendra du territoire, il n’y a qu’à considérer l’Amazonie, et plus le monde libre animalier s’atrophiera.
MW : Je ne parle même pas d’aussi loin que l’Amazonie, moi je parle des villes dans lesquelles on vit…
M. : On n’est pas en ville là ! La chouette des neiges, on est carrément dans des contrées hostiles, je dis au sens « homme » du terme « hostile ». Il y a quand même une température qui fait que nous n’irons pas ! Grand merci à vous de nous faire voir que ceci existe. Mais c’est vrai qu’il est très difficile d’aller vers ce genre de spectacle, et de vie et, d’intimité avec l’animal. Là vous avez effectivement, au travers du grillage, voulu traduire ce qu’était le filtre qui ne peut qu’exister aujourd’hui ; on est combien sur terre ? Le diamètre du fil est tout petit par rapport à ce qu’il sera dans quelques années. Tout petit. C’est fort à parier. Seules les neiges fondent, jamais le fer et le fil de fer.
MW : Oui, je suis assez d’accord avec vous.
M. : Je vous remercie de vouloir nous ramener à ce qui existe autour de nous, et je dirais presque dans un autre monde, parce qu’il faut aller vers ce monde là pour savoir qu’il existe. Alors il y a des individualités comme vous qui nous le font voir, il y a effectivement tous les Ushuaia du monde et tous les grands trips de FR3 du dimanche matin et tous les ex-Frédéric Rossif qui nous faisaient voir le monde animal et la vie sauvage, et tous ces gens là qui nous font voir qu’il y a quelque chose qui est là et qui s’estompe de plus en plus derrière la barrière. Et c’est nous qui donnons un flou au travers des grilles qui s’instaurent. Moi je ne parlerais pas d’artistique, loin s’en faut. Je dirais merci de cette main tendue au regard sur autre chose. Je ne sais pas pourquoi vous l’avez placé en tant que modèle artistique, mais je suis très attendri de voir la main tendue qu’est la vôtre vis à vis de ce monde, le vrai, nature, sans perversité parce que le monde animal est sans perversité. Il a ses lois certes, dures, il faut se nourrir…
Une femme dans la salle : Alors tu ne vois pas l’artistique ?
MW : Depuis quelques années, je n’ai plus une attitude très revendicative vis à vis de ça. Il y a un nom que j’aurai bien aimé porter. Moi je m’appelle Waquant, ça veut dire oisif, errant, nomade. Mais j’aurais bien aimé m’appeler “Malarmée”. Parce que je trouve que c’est comme ça qu’on doit être : un sujet nu, quelqu’un de « mal armé » qui va dans le monde mais qui ne sait pas ce qu’il va trouver et qui accepte même d’être agressé ou qui accepte de poser des gestes et d’être rejeté, mais qui y va. Qui prend sa place malgré tout.
M. : mais vous êtes bien-armée.
MW : Non pas franchement.
M. : Si, si, oser le faire c’est déjà être armé.
MW : Je n’appelle pas ça comme ça, c’est ne pas avoir le choix, c’est ne plus pouvoir supporter. C’est avoir ce devoir envers soi-même, de poser ses pieds quelque part et de dire non.
M. : Je suis d’accord avec vous.
MW : Voilà c’est tout. Je suggère de mettre la vidéo; ceux qui veulent regarder regardent tandis qu’on continue de discuter entre nous.